Le miel de printemps

Les trois premiers mois de l’année sont caractérisés par une reprise progressive du développement de la colonie qui vit encore en autarcie forcée, ou presque, sur ses provisions de pollen et de miel.
Elle complémente celles-ci par les premiers apports que lui procurent les premières belles journées ensoleillées, sans oublier les apports importants en eau. Noisetiers, saules marsault, pissenlits, amandiers et abricotiers pour les espèces cultivées sont les premières plantes activement recherchées.
Ces trois premiers mois ne nécessitent d’ailleurs qu’une présence discrète de l’apiculteur au rucher : surveillance du poids, donc des provisions et nourrissement si nécessaire, et bien souvent première visite dite « de printemps » vers la fin mars.

La miellée de printemps

« Avril fait les abeilles et mai fait le miel » affirme un dicton apicole populaire.

En avril, en effet, avec l’allongement des jours, l’augmentation des températures, les floraisons de plus en plus nombreuses et denses, avec les rentrées régulières de pollen, de nectar et d’eau, les colonies se développent rapidement et passent très vite de 3 à 4 cadres de couvain occupant une surface d’un demi-cadre fin mars à 6 ou 7 cadres avec une surface de couvain de trois-quarts de cadre fin avril, voire plus si les colonies ont été bien conduites. [ pour cela revoir les articles très complets et détaillés rédigés par Marc « Au rucher au printemps » bulletin n° 73 de juillet 2014 et « Au rucher en avril » bulletin n° 78 de février 2016.
Si vous n’avez plus les bulletins, vous pouvez les consulter en ligne sur le site, rubrique « Archives »]
Les plantes qui participent à cette euphorie au rucher en avril sont essentiellement le pissenlit, des arbustes de haies (prunellier épineux, aubépine), des arbres (saule cendré, érable, merisier) et la plupart des arbres fruitiers (c’est ce qu’on appelle la miellée blanche) et les premiers colzas en zones cultivées.


Comme dit précédemment, ces apports importants de pollen et de nectar font que la colonie se développe rapidement. Il convient d’être vigilant en ce qui concerne le risque d’engorgement du corps de ruche et son corollaire, l’incitation à l’essaimage, surtout si la miellée de pissenlit est importante.
Elle colore les cires d’un jaune orangé étonnant et répand près des ruches une odeur caractéristique d’urine de chat. Il convient d’être encore plus vigilant sur l’essaimage en présence de champs de colza dans l’aire de butinage.
La pose de la première hausse se situe souvent à la mi-avril et il convient de ne pas trop la différer. Cette période d’élevage intense stimulée par cette miellée de printemps est aussi à mettre à profit si on veut récolter du pollen.
C’est le moment de placer une trappe à pollen ; un planchertrappe à pollen est à préférer à la traditionnelle trappe à pollen d’entrée.
L’observation de la couleur des pelotes de pollen récoltées sera riche d’enseignement à la fois sur la nature des plantes visitées et la diversité de celles-ci. Ce sera un bon indicateur de la richesse pollinique de l’environnement de votre rucher.
Tout comme il nous est recommandé de manger 5 fruits et légumes par jour, il est bon que l’abeille consomme au moins 4 pollens différents ! ( travaux de Di Pasquale G. et Le Conte Yves en 2013.)

Mai prolongera la miellée avec de nombreuses plantes déjà fleuries vers la mi-avril : le genêt, qui n’a bien d’intérêt que pour ses apports de pollen, le colza dont c’est la pleine floraison, l’aubépine et surtout la flore spontanée qui pousse dans les friches, les talus et en bordure de chemins.
On peut regretter que la disparition quasi générale des prairies naturelles et avec elles la flore qui s’y trouvait, prive les abeilles de ressources alimentaires variées et équilibrées et des apports de nectar non négligeables dans ce miel de printemps.
Mai voit aussi fleurir l’acacia qui est un arbre très mellifère et dont la floraison peut servir de charnière pour la miellée de printemps.
S’il y a eu du colza dans l’environnement du rucher, il faut extraire le miel de printemps avant la floraison de l’acacia.
En effet, le miel de colza cristallise rapidement et « ensemence » facilement la récolte. Différer l’extraction, c’est prendre le risque de rendre celle-ci impossible.
Si ce n’est pas le cas et s’il y a peu d’acacias dans l’aire de butinage, on peut laisser les abeilles profiter de cette petite miellée qui augmentera la récolte de miel de printemps sans la dénaturer, bien au contraire. Par contre, si l’environnement est riche en acacias, il faut en profiter pour produire un miel qui pourra avoir l’appellation « miel d’acacia ».
Il convient donc d’extraire le miel de printemps juste au début de la floraison de l’acacia de façon à avoir des hausses vides pour cette miellée.
Dans tous les cas il ne faudra récolter et extraire que des cadres de miel operculé pour qu’il soit à maturité, à moins qu’on ne dispose d’un déshumidificateur.
Il est toujours possible aussi de regrouper les quelques cadres non ou mal operculés sur quelques ruches, de façon à mettre les autres en état de recevoir une hausse vide. Produit tôt en saison, ce miel nécessite d’avoir des colonies aptes à récolter, ce qui exige un travail de préparation bien spécifique pour l’apiculteur.
Tôt en saison signifie souvent aussi des miellées contrariées par de mauvaises conditions météorologiques. La miellée de printemps n’est donc jamais source de grosse récolte.
Il demande aussi une récolte spécifique, dès que la miellée visée est terminée, un peu à l’instar de ce que font les apiculteurs transhumants dont l’objectif est de produire des miels monofloraux.
Si on « laisse faire les choses » il y aura alors mélange avec des nectars d’été (ronce surtout, châtaignier, tilleul, trèfle, flore spontanée d’été…) qui donneront des miels plus ambrés et aux arômes plus marqués et récoltés en général en fin d’été.

Le miel de printemps

Sa couleur varie selon les fleurs butinées mais c’est souvent, pour ne pas dire toujours, un miel très peu coloré (de jaune très clair à ambré clair), plutôt lumineux quand il a été bien maturé. Par contre il a tendance à rapidement se troubler (voile de cristallisation), sans que cela soit un défaut.
La présence de pissenlit et à plus forte raison de colza augmente ce caractère.
Dans les concours de miels, il fait partie de la catégorie « Miel toutes fleurs clair » et cette propension à se troubler le pénalise parfois.
Cependant l’apiculteur peut profiter de cette particularité pour le travailler et en faire un miel crémeux. C’est le miel qui se 18 prête le mieux à cette transformation et il est même possible de l’obtenir sans l’ensemencer avec un miel à cristallisation très fine.
Ce sera ainsi une façon de diversifier votre production et de valoriser votre miel.

Ses propriétés organoleptiques varient aussi beaucoup selon la prédominance plus ou moins marquée de tel ou tel nectar (pissenlit par exemple). Mais globalement c’est un miel d’odeur de type végétal, souvent de faible intensité.
De ce fait c’est un miel qui peut être facilement « pollué » lors de la récolte (odeur de fumée) et qui gagne à être récolté en prenant des précautions.
L’utilisation du chasse-abeilles trouve ici tout son intérêt et est de ce fait particulièrement recommandée. Du point de vue gustatif, il est toujours doux, frais en bouche mais peu persistant et légèrement acidulé. Ses arômes discrets en font un miel agréable et apprécié.

Sa conservation ne pose pas de problèmes particuliers s’il a été récolté, extrait et maturé dans de bonnes conditions. Et ce d’autant moins que sa commercialisation est facile (c’est un miel recherché) et que la production n’est jamais très importante.
Cependant, compte-tenu de la facilité avec laquelle il cristallise, il faudra le défiger si on veut le commercialiser à l’état liquide.
Il faudra donc prendre les plus grandes précautions lors de cette opération . Les miels de nectar sont des miels qui vieillissent mal.
Ceux de début de saison sont les plus fragiles : dégradation naturelle de leurs constituants naturels (diastases), augmentation de la coloration, de la teneur en HMF, de l’acidité et perte des substances volatiles qui contribuent à leurs arômes.
La DLUO de 2 ans couramment admise pour les miels n’est pas vraiment appropriée pour les miels de fleurs de début de saison, alors qu’elle est bien en deçà pour les miels de miellat, sapin en particulier. [Paul Schweitzer, responsable du CETAM Lorraine, laboratoire d’analyses des miels].

Sa commercialisation doit se faire sous l’appellation « Miel de Fleurs » avec la mention « Miel de printemps ». En effet, « Miel de printemps » n’est pas à proprement parler une appellation. C’est une mention complémentaire qui peut être rajoutée à l’appellation légale « Miel de fleurs ».
Les seules appellations légales sont « Miel de fleurs », « Miel de miellat » et « Miel en rayon ». Toutes les autres, « miel de colza », « miel crémeux », « miel de montagne », « miel de forêt », « miel de …. », etc. sont des mentions complémentaires. (Décret n° 2003-587 du 30/06/2003 rappelé le 21/06/2016 par une note de la DGCCRF, Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes.)
Le miel de printemps est un miel de qualité qui, de par la variété des sources mellifères butinées par les abeilles, offre une palette d’arômes qui est le reflet du terroir dont il est issu en tout début d’année. En outre il n’est jamais tout à fait le même d’une année à l’autre et c’est aussi ce qui en fait le charme.
Il mérite donc que l’apiculteur essaye de le sélectionner et en fasse la promotion, tout particulièrement par le biais du miel crémeux.

Jean-Louis PERDRIX

Bulletin n°81 Février 2017