L’art d’allumer l’enfumoir

Parmi les quelques outils indispensables à l’apiculteur lorsqu’il travaille auprès de ses ruches, il en est un primordial : l’enfumoir.

La sécurité des interventions et du travail dépend de son usage (et là c’est une question de pratique) mais surtout de son bon fonctionnement.

En effet rien ne sert de savoir utiliser l’enfumoir à
137-3718_IMG6x4bon escient si celui-ci est défaillant quand on a besoin de ses services dans l’instant même.
D’abord voyons comment la fumée arrive à calmer les abeilles. Sans doute avez-vous remarqué lors de visites bon nombre d’abeilles la tête plongée au fond des cellules, occupées à se gorger de miel.

C’est là un des effets de la fumée; celle-ci déclenche chez l’abeille un réflexe dit archaïque.

Dans la mémoire ancestrale de son espèce fumée = forêt en feu = départ immédiat donc provisions au maximum en prévision d’une réinstallation ailleurs.

L’objectif n’est plus la défense mais la sauvegarde.

La communication dans la ruche se fait au moyen de phéromones, substances sécrétées par la reine, les ouvrières, le couvain et qui informent la colonie de ce qui se passe dans la ruche. Lors d’une visite, quelques bouffées de fumée masqueront toutes ces odeurs que sont les phéromones et en particulier la phéromone d’alerte qui incite les abeilles à être agressives de même que l’odeur du venin qui accroît celle-ci.

Voyons maintenant quelles doivent être les qualités de la fumée de l’enfumoir ?

  • La première règle est de produire une fumée la plus froide possible, car la fumée brûlante irrite les abeilles ce qui aurait l’effet inverse de celui recherché.
  • Si le combustible lui-même a son importance, la façon de l’utiliser est certainement la principale cause de montée en température. Plus le combustible est aéré dans l’enfumoir plus le foyer est important et plus la température monte. Donc il est nécessaire de tasser souvent le contenu du corps de l’enfumoir sans pour autant étouffer la braise.
  • Une grosse poignée d’herbe verte renouvelée régulièrement permet aussi de refroidir la fumée tout en condensant les goudrons qu’elle contient.
  • Il faut vérifier souvent la température de la fumée en la projetant sur son avant bras (si l’on ne porte pas de gants).
  • La seconde règle est de produire une fumée saine non toxique. Il est donc important de ne brûler que des produits d’origine végétale n’ayant pas subi de transformation chimique. Le carton ondulé souvent employé est à proscrire car il contient entre autres des colles, des encres…
    Il est hors de question de brûler des huiles ou des matières synthétiques..
    A noter que certains végétaux riches en azote peuvent dégager des gaz toxiques s’ils sont portés à haute température (tontes de gazon, jeune foin de trèfle…).
  • La troisième règle est de produire une fumée abondante avec un combustible qui dure assez longtemps.
    Lorsqu’on travaille une ruche, il est vraiment très désagréable de devoir recharger son enfumoir en cours de manipulation. Le combustible doit donc avoir une certaine densité et se consumer assez lentement. Bien sûr la taille de l’enfumoir a son importance dans ce cas et certains modèles, sont vraiment trop rikiki même s’ils ne servent qu’à visiter une seule ruche.
  • La quatrième règle concerne les odeurs de la fumée qui ne doivent pas être communiquées au miel les jours de récolte pas plus d’ailleurs qu’aux vêtements de l’apiculteur ou à son véhicule.
  • La cinquième se réfère à la facilité d’allumage de l’enfumoir qui est souvent le casse tête de l’apiculteur amateur.

Il est bien sûr difficile de concilier toutes ces exigences dans un même produit qui doit de surcroît être peu onéreux et facile à se procurer. Chacun ayant ses habitudes on peut lister ce qui se fait dans la région avant de proposer des solutions convenables.
Le foin est bien sûr le plus utilisé, il doit être de mauvaise qualité c’est à dire plutôt jaune et vieux. Le gazon est à proscrire, il convient très bien pour l’allumage mais ne dure pas très longtemps.
Les copeaux de bois conviennent assez bien mais certaines essences produisent des fumées chaudes.
Le bois décomposé est parfois utilisé.
La bouse de vache et le crottin de cheval conviennent aussi mais rebutent de par leur origine.
La toile de jute (vieux sacs) très utilisée autrefois est à proscrire car elle est actuellement traitée contre les insectes et contient certainement des produits toxiques.
Les granulés de luzerne déshydratée sont très utilisés ; ils durent très longtemps et produisent une fumée froide mais dégagent une odeur très marquante.
Les aiguilles de pin sèches chauffent un peu mais ont une bonne odeur.
Il existe dans le commerce des granulés à base de noyaux d’olives, de déchets de lavande. Leur seul inconvénient est leur coût.
Une bonne solution consiste à allumer l’enfumoir avec du foin bien sec et plutôt vieux puis de le charger avec des granulés de luzerne déshydratée mélangés à des aiguilles de pin sèches. Enfin coiffer le tout avec un gros bouchon d’herbe verte que l’on change régulièrement.
Pour une intervention de très courte durée (accès au nourrisseur, réduction des entrées..) un simple allumage au foin suffit.
Pour la récolte du miel, l’usage de la fumée doit être réduit à son strict minimum.
En conclusion, si vous disposez d’un enfumoir d’un bon volume ainsi que des combustibles nécessaires à son bon fonctionnement, il ne vous reste plus qu’à maîtriser le bon usage de celui-ci et… ce n’est pas une mince affaire ! C’est d’ailleurs par cette maîtrise que chaque apiculteur devrait commencer son apprentissage. Ce sera le sujet d’un prochain article  Le bon usage de l’enfumoir.

Texte : Jean-Louis PERDRIX / Marc FOUGEROUSE ; Crédit photos : Véronique SIMEON

Bulletin N°34 Mai 2001