Le piégeage des essaims naturels

Si le piégeage des essaims naturels ne relève pas vraiment de l’apiculture moderne mais plutôt de l’apiculture de cueillette, il n’en reste pas moins que c’est un petit plaisir qui fait référence à nos origines de chasseurs-cueilleurs.

Sans en faire une activité essentielle car il vaut mieux bien s’occuper de son rucher afin de prévenir l’essaimage naturel, il est néanmoins souhaitable de pratiquer le piégeage à petite échelle afin de récupérer les essaims que l’on n’a pas su anticiper ainsi que ceux dont l’origine est plus incertaine.

Si leur qualité n’est pas garantie, tout au moins ils n’iront pas peupler les cheminées, les volets ou toute autre anfractuosité où leur survie n’est pas garantie (provisions, varroase …).

Tant que vous pouvez suivre votre essaim il vous appartient et vous pouvez le récupérer. Mais il est bien loin le temps ou un enfant ou une grand-mère avait le loisir de surveiller l’apier en période d’essaimage.

De nos jours les essaims naturels s’envolent dans l’anonymat. Personne n’est là pour les enrucher.

Bon nombre deviennent alors des essaims sauvages qui appartiennent au propriétaire du terrain sur lequel ils s’installent.

Quoi de mieux pour loger une colonie d’abeilles qu’une ruche avec des cadres bâtis. Alors pourquoi ne pas inviter un essaim sauvage à venir s’installer dans un piège que vous aurez préparé pour lui.

Lorsqu’une colonie prépare un essaimage naturel, ce qui est le mode de reproduction normal de ce super organisme, des abeilles exploratrices partent en quête d’un nouveau logis de la même façon que d’autres recherchent une nouvelle aire de butinage. Tous les espaces pouvant convenir sont alors examinés et les informations recueillies sont rapportées à la ruche. La communication s’effectue comme pour une source mellifère : direction, éloignement, qualités, intérêt du lieu, odeur, …

Les différentes danses mobilisent plus ou moins d’observatrices jusqu’à ce que le lieu le plus adéquat remporte l’assentiment général.

Ce n’est que lorsque les premières cellules royales sont operculées que l’essaim peut prendre son envol. Souvent la destination est déjà choisie mais c’est lorsque l’essaim est posé temporairement à proximité de la ruche d’origine que la décision finale se prend. On voit alors les abeilles éclaireuses danser sur la surface de la grappe.

C’est le logis qui présente à ce moment-là le plus d’intérêt qui sera choisi et toutes les abeilles s’y dirigeront. J’ai personnellement observé l’enruchage d’un essaim entre 12 et 14 heures alors que le piège avait été posé à midi le jour même ; et en période d’essaimage où la compétition est importante un ou deux essaims par semaine dans le même piège n’est pas un fait rare.

Idéalement il est préférable de proposer aux éclaireuses des pièges constitués de vieilles ruches aux dimensions standard, même si on peut les attirer dans tout autre volume. L’odeur d’une vieille ruche (même réformée) enduite de propolis convient très bien. Quelques vieux cadres bâtis sains et odorants vont parfaire l’attractivité et permettre de fixer rapidement la colonie. Ils permettront par la suite son transvasement dans une ruche en meilleur état.

L’installation des ruches pièges en termes d’orientation et d’emplacement obéit à des règles que l’on découvre surtout par l’expérience.

Il est préférable de les placer en hauteur plutôt qu’au sol et ne pas les orienter au vent dominant.

Certains lieux sont préférables et leur attractivité se répète d’une année sur l’autre. Il est même possible de capturer plusieurs essaims la même année en un même lieu si on prend la peine de les évacuer au fur et à mesure de leur arrivée.

Lorsque les éclaireuses découvrent un abri potentiellement acceptable elles en informent d’autres abeilles qui viennent visiter en plus grand nombre. Elles en défendent l’accès aux éclaireuses étrangères et commencent même le nettoyage… Cela peut durer plusieurs jours et pendant ce temps le piège n’est disponible que pour cet essaim qui occupe les lieux et y dépose des phéromones…

S’il n’est pas capturé avant son propriétaire, il viendra s’installer dans le milieu de la journée. Sinon un beau jour il n’y aura soudainement plus d’activité devant l’entrée.

On est certain de l’installation de l’essaim lorsque la ruche est occupée pendant la nuit et que les butineuses rapportent du pollen. Il faut alors lui donner les cadres nécessaires à son confort et éventuellement des provisions.

Pour l’apiculteur apprenti-piégeur, il s’agit de faire en sorte que le piège proposé présente une attractivité maximum. L’odeur de la vielle ruche et celle des vieux cadres sont essentielles mais elles peuvent être renforcées par un attire-essaim dont vous trouverez la recette ainsi qu’un tutoriel sur le site de l’Abeille du Forez « Recette pour fabriquer un attire essaim efficace ». Elle a fait ses preuves depuis de nombreuses années et elle est même plagiée (cf. Santé de l’abeille n° 278) sans autre procès tant son efficacité semble plausible.

Ce plagiat bien innocent n’est pas toujours fidèle à la source et chacun veut y ajouter sa touche personnelle. C’est ainsi que dans le cas présent il est recommandé d’utiliser des graisses végétales. Mais celles-ci ont l’inconvénient d’être sujettes au rancissement. Ce qui porte préjudice à l’attractivité des pièges à long terme. Il est donc préférable d’utiliser une graisse d’origine minérale.

Pour ceux qui préfèrent une approche plus biologique du piégeage il est aussi possible de se contenter de frotter l’intérieur (et non pas l’entrée) des pièges avec une poignée de mélisse fraîche et de raviver les odeurs de propolis en grattant un peu les parois.

Mises en garde :

  1. Les essaims sauvages que vous capturez vous appartiennent dès lors qu’ils s’installent chez vous ou dans une ruche vous appartenant si vous avez l’autorisation du propriétaire du terrain. La réglementation en termes d’assurance, de distance, de signalisation …s’applique donc immédiatement (un piège peuplé est considéré comme un rucher).
  2. La bienséance veut qu’on ne piège pas intentionnellement aux abords des ruchers d’autrui.
  3. Les essaims sauvages ne présentent aucune garantie sanitaire ni en ce qui concerne l’âge de la reine ou son degré d’hybridation. Il est donc nécessaire de leur réserver un temps de quarantaine pour s’assurer de leur compatibilité avec vos propres exigences. Un traitement anti-varroas est très approprié avant l’operculation du premier couvain.
  4. Les vieux cadres odorants ont l’intérêt d’être attractifs mais sont aussi susceptibles d’être vecteurs de désagréments (loque, mycose, résidus de pesticide, …). Il faut donc être sûr de leur origine et les éliminer rapidement après l’installation de l’essaim.
  5. De nombreux attire-essaims existent dans le commerce, tous ne présentent pas un rapport qualité/prix satisfaisant (spray, support imprégné, huile, alcoolat, pommades, …).

Le secret consiste à attirer les premières éclaireuses. Par ordre d’importance l’odeur de la propolis puis celle de la citronnelle sont essentielles. Si le piégeage des essaims présente un charme certain, la confection de son propre attire-essaim a aussi son attrait (qu’on le garde jalousement pour soi ou qu’on en fasse profiter les copains). Il existe aux Etats-Unis des supports qui diffusent des effluves attractifs pour piéger les essaims d’abeilles africanisées. Un prochain article traitera des expériences menées chez nous dans le Forez.

Marc FOUGEROUSE

Bulletin n°82 Mai 2017