Les abreuvoirs à abeilles

Lorsque l’on se penche sur les besoins nutritionnels des colonies d’abeilles, on omet souvent leurs besoins en eau. Qu’il s’agisse de l’eau nécessaire à l’élevage des larves, celle consommée par les imagos mais aussi de l’eau utile à la thermorégulation qui certes est destinée à être évaporée mais qui dépose ainsi les substances qu’elle contient dans les alvéoles.
Selon les auteurs, les besoins annuels d’une ruche avoisinent les cinquante litres d’eau avec des variations importantes suivant les régions et les climats. Il faut noter que lors de la miellée le nectar apporte suffisamment d’eau aux colonies.
La qualité de l’eau récoltée par les abeilles a bien entendu des incidences sur la santé de la colonie et des individus qui la composent.
On pourrait croire que l’eau la plus pure serait la meilleure et la plus inoffensive, ce n’est pas le cas :

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Les abeilles, de tous temps, ont recherché des eaux stagnantes contenant des substances végétales en décomposition (matières azotées) et des sels minéraux.

Elles aiment bien butiner le bord des flaques, les terres humides les écoulements de purin mais aussi les gouttes de rosée et les gouttes qui résultent de la guttation des végétaux qui ne sont pas aussi pures qu’on pourrait le supposer.
Généralement les abeilles trouvent dans la nature ce dont elles ont besoin mais la qualité n’y est plus toujours : dans les zones de culture, entre autres, les eaux de ruissellement que l’on trouve dans les flaques et dans les fossés qui longent les terres contiennent aussi des traces plus ou moins concentrées des divers pesticides (insecticides, herbicides, fongicides, métabolites de ceux-ci, …) qui sont utilisés abondamment en agriculture et les diverses pollutions atmosphériques d’origine industrielles et domestiques.
Lorsque les abeilles s’abreuvent de rosée, les gouttelettes peuvent contenir des pollutions atmosphériques mais aussi les pesticides pulvérisés par les agriculteurs ou les jardiniers, ou encore ceux contenus dans les plantes issues d’un semi de graines enrobées ou encore dans les plantes OGM dont certaines fabriquent leur propre insecticide.
Tous ces divers pesticides ont des incidences sur la santé de l’abeille mais aussi sur sa longévité, et tout particulièrement sur celle des abeilles d’hiver et de la reine.
Bon nombre des problèmes que rencontre l’apiculture actuellement sont liés à la vitalité des individus et à leur longévité. Ce sont les vieilles butineuses qui se chargent de l’approvisionnement en eau. Elles y risquent leur vie car c’est une récolte dangereuse : elles s’y refroidissent le corps et risquent la noyade. L’approvisionnement devant s’effectuer même par temps frais et parfois sur de longues distances, bon nombre d’entre elles ne rentrent pas de leur quête.abreuvoir_abeilles_5
Toutes ces constatations amènent à conclure que la maîtrise des lieux d’abreuvement par l’apiculteur ne peut qu’améliorer la santé des abeilles donc la vitalité des colonies et ainsi participer à la résolution d’une partie des problèmes qui conduisent à leur disparition. D’un point de vue pratique il suffit d’observer les abeilles dans la nature pour comprendre ce qui leur convient le mieux : elles répugnent à absorber des eaux courantes et froides et préfèrent sucer la terre imbibée ainsi que les mousses et les galets humides sur lesquels elles peuvent se poser sans risques.
Le principal problème pour l’apiculteur est l’approvisionnement en eau de qualité. Si l’emplacement du rucher offre toutes les garanties d’un abreuvement de qualité à proximité, il n’est pas nécessaire de proposer des abreuvoirs aux abeilles. Mais comment en être sûr en dehors des zones de nature sauvage ? Quoi qu’il en soit la proximité d’un abreuvoir de qualité, proche du rucher ne peut qu’améliorer les résultats de l’approvisionnement en eau.

Quelles doivent être les qualités d’un abreuvoir à abeilles ?

  • Il doit être facilement accessible aux abeilles : c’est-à-dire à découvert, de bonne surface et sans risque pour elles. La température de l’eau proposée doit être assez tiède, facilement tempérée par la chaleur du soleil et non courante.
  • L’eau doit être dépourvue de pesticides : L’eau doit être indemne de germes pathogènes; en particulier de ceux issus des déjections des abeilles (emplacement en dehors de la ligne de vol du rucher).
  • L’abreuvoir doit être permanent tout au long de l’année, même si à certaines périodes il est peu visité. Il est préférable que les abeilles ne prennent pas leurs habitudes dans des lieux peu propices comme la piscine du voisin…
  • Un apport de sel minéraux et d’oligo-éléments est favorable (lit d’argile, sel de table 2 g par litre).

Deux possibilités s’offrent à nous :

  • soit un abreuvoir de type siphoïde (abreuvoir à volaille) qui ne distribue que la quantité consommée ou évaporée.
  • soit une grande quantité d’eau avec des flotteurs à sa surface.

L’ingéniosité de chacun, ainsi que les matériaux à disposition permettent la réalisation de divers types d’abreuvoirs :

Une flaque artificielle imperméabilisée par une bâche plastique contenant de la terreabreuvoir_abeilles_2 argileuse et des galets semi immergés est un excellent abreuvoir semblable aux flaques des chemins. L’évaporation y attire facilement les butineuses. Elle doit être régulièrement approvisionnée mais un bidon renversé peut remplir cette fonction.
Si le réservoir est de grande contenance (fût de 200 litres) des mousses et des plantes aquatiques flottantes sont de bons supports pour les abeilles (laitues d’eau, salvinies nageants, fougères aquatiques, lentilles d’eau, mousses de rivière sur flotteurs…) ainsi que tout autre objet flottant. Un poisson éliminera les larves de moustiques et peut être les abeilles noyées.
Dans un petit rucher un ou deux abreuvoirs à lapin qui reçoivent une bouteille conviennent très bien.
L’eau peut avantageusement être additionnée de deux grammes de sel par litre.

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ABREUVOIR A VOLAILLES

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ABREUVOIR A LAPIN

Quel que soit le modèle d’abreuvoir, deux précautions sont essentielles : veiller à ce que l’eau ne soit pas souillée par les déjections du rucher et faire en sorte qu’il n’y ait pas de discontinuité dans la distribution dès le printemps.
Au rucher école Louis Michel bien que situé à proximité de la rivière le Moingt les abeilles visitent assidûment l’abreuvoir en toutes saisons.

Texte : Marc FOUGEROUSE ; Crédit photos : Michel AYEL

Bulletin N°70 Mai 2013