Nos reporters Marius CHAMPET et René BERCHOUD se sont rendus à Lézigneux pour interviewer Marcel VERNET sur sa pratique apicole. Ils ne se sont pas ennuyés en sa compagnie. Jugez en…
« Ni mes parents ni mes grands-parents n’étaient apiculteurs. Un de nos voisins avait quelques ruches, et quand j’apercevais un essaim, je le prévenais.
Et un beau, jour, il m’a dit : » fais une ruche, je te donnerai un essaim « .
J’ai donc fabriqué ma première ruche (j’ai toujours fabriqué mes ruches, j’y ai même laissé le bout de mes doigts, un jour où le bois s’est reculé sur le papillon de la scie…) avec les planches que j’ai trouvées.
J’ai installé 7 ou 8 cadres… Mais la reine a péri ; j’en ai fait venir une des Pyrénées, mais comme je l’ai introduite directement dedans, mes abeilles me l’ont tuée, bien sûr… et ma première colonie est morte.
Un peu plus tard, un voisin dont la fils était parti en Algérie, et à qui je donnais des coups de main, m’a donné un autre essaim.
Et petit à petit je suis monté jusqu’à 40 ruches, mais en général de 20 à 30.
Au moment de l’essaimage, on aurait dit que je sentais à distance s’il y avait un essaim, comme si je ressentais une vibration, et c’était rare que je me trompe.
Je me suis donc limité à une vingtaine de ruches parce que vous savez, le miel, c’est bizarre : quand on n’en a point, tout le monde en veut ; et quand on en a beaucoup, on ne voit personne.
A tel point qu’une année j’en ai donné aux vaches mélangé à leur farine elles y mangeaient bien.
J’en ai mis aussi dans la cuve, avec le raisin Pas mauvais pour le vin blanc mais il n’en faut pas trop, sinon c’est trop sucré. Pour le vin rouge, comme j’en faisait 15 hectolitres, les 50 kilos de miel que j’y ai mis ne se sont pas tellement fait sentir.
Pendant longtemps, les piqûres ne m’ont rien fait.
Une fois il y a de ça 20 ans, un voisin avait déclenché un pillage en sortant son miel de ses ruches qui n’étaient pas loin des miennes.
C’était tout noir d’abeilles dans le chemin.
Comme j’avais lu dans un livre qu’il fallait mettre une poignée d’herbe à l’entrée, je suis allé pour le faire, mais les abeilles me sont toutes venues dessus.
Eh ben mon-vieux, j’en avais de partout ! Je me suis réfugié dans ma cave, où je me suis déshabillé entièrement. J’en avais dans le cou, la chemise, partout. J’ai été piqué plus de 50 fois.
J’ai pris un petit malaise, mais ça a passé!
Par contre, il y a trois ans j’ai failli perdre connaissance.
J’avais envie de me coucher sur place : la coeur battait, j’y voyais tout trouble… mais je me suis dit « t’arriveras bien!… »
J’arrive à la maison (heureusement que j’avais le tracteur) je m’assois et PLAOUM je tombe par terre en m’abîmant toute la bouche (je ne sais pas sur quoi je suis tombé).
Revenu à moi, le cœur battait, battait, j’étouffais, je n’y voyais plus clair. Quand ça a été un peu mieux, le docteur m’a dit de prendre des cachets.
Mais j’ai eu mal à la tête encore un bon moment.
C’est là que j’ai décidé de vendre mes ruches. Ca ne pouvait plus, faire !
J’avais plaisir aussi à attraper !es vipères. Je me doutais des jours où il y en aurait : je me promenais le long des talus, des vieux murs. Elles étaient là à prendre le soleil…
Au début, je les attrapais à la main, derrière le cou ; d’autres fois avec des pinces. Je m’amusais à les attacher avec une ficelle et les mettais sur l’épaule ou dans ma poche. Sur ma table, quand je mangeais, j’en posais une ou deux pour me tenir compagnie, elles ne disaient rien.
La vipère ne cherche pas à mordre, si elle ne se sent pas attaquée.
Il faut quand même faire attention. Une fois, j’en laisse tomber une par terre, et en la ramassant : tac !
Au total, j’ai dû me faire piquer sept fois. La dernière, c’était derrière le cou : j’ai fait une semaine d’hôpital et j’étais tout noir jusque là. Mais j’aurais dû aller au docteur plus vite : elle m’avait piqué le samedi, et je n’y suis été que le lundi…
Le plus dur, ça a été la nuit du samedi, mon cœur craquait, j’ai pensé : il faut aller boire un canon, sans ça, tu ne passes pas la nuit.
Je me suis levé sur les 4 heures du matin, j’ai bu un canon et mangé deux – trois biscottes, et après je me suis rendormi. Mais j’avais un cou énorme, et le médecin m’a envoyé dare – dare à l’hôpital. Vous comprenez, le venin de vipère, ça fait coaguler le sang.
Mais c’était intéressant.
Je les ramassais pour un gars de St Étienne, qui faisait les foires avec la graisse de vipère. C’est bon pour les rhumatismes : du moins il y a des personnes pour qui c’est radical.
A moi, ça ne me fait rien.
Je les mettais dans des caisses, en attendant d’en avoir 30 ou 40. Plutôt dans plusieurs caisses, pour qu’elles ne se montent pas les unes sur les autres ; je leur mettais toujours de l’eau dans des boîtes de pilchards : la vipère en captivité ne mange pas, mais elle a soif.
Maintenant que je vais avoir 70 ans, je ne les attrape plus, je les filme avec le camescope, c’est joli. Et puis je peux consacrer davantage de temps à la radionique. Les ondes, c’est un domaine passionnant et sans limites.
Il y a toujours à apprendre et à découvrir.
Je mets au point mes appareils par tâtonnement, à ma manière…