Un des problèmes les plus difficiles rencontré en apiculture est le remèrage d’une colonie d’ouvrières pondeuses.
Que faire en présence d’ouvrières pondeuses ?
La présence de la reine dans la multitude des ouvrières inhibe chez celles ci le développement des ovaires.
Par contre son absence est immédiatement ressentie et après 72 h la colonie se considère comme orpheline.
Si l’élevage royal n’est pas possible ou si celui ci n’a pas réussi (mortalité des nymphes royales ou disparition de la jeune reine pendant le vol nuptial) alors quelques ouvrières voient leurs ovaires se développer et pondent quelques oeufs.
N’ayant pas effectué de vol nuptial elles pondent des oeufs non fécondés qui dans le monde des abeilles donnent naissance à des faux bourdons.
La colonie se trouve alors en présence d’un environnement hormonal satisfaisant généré par la sécrétion des pondeuses et par celles du couvain. Il est alors très difficile de lui faire accepter, selon les procédés habituels une nouvelle reine.
Comment reconnaître une colonie bourdonneuse ?
Tout apiculteur observateur détectera rapidement si ce n’est à la vue du trou de vol du moins dès la découverte des cadres, une colonie orpheline :
- L’activité est très souvent ralentie ;
- Les abeilles gardiennes sont très défensives et contrôlent toutes les arrivantes ;
- Le bruissement produit lors d’un choc ou de l’ouverture ne se calme pas rapidement, les abeilles restent excitées et sont plus agressives.
- II n’y a plus de couvain d’ouvrières mais on peut observer du couvain de mâle (opercule bombé) logé dans les cellules d’ouvrières.
- La ponte est peu abondante, non concentrique, un peu dispersée. Il y a souvent plusieurs oeufs pondus dans la même cellule.
Attention :
Une jeune reine non fécondée (pour cause d’intempérie ou en cas de malformation anatomique) ou au contraire une vieille reine épuisée (arrhénotoque) pondra des oeufs de mâles.
Mais la ponte est concentrique régulière et abondante.
Quels remèdes apporter ?
Si certaines races peuvent parfois élever une reine à partir d’un oeuf pondu par une abeille non fécondée, ce n’est pas le cas des races locales et si l’apiculteur n’intervient pas la colonie va disparaître lorsque les dernières ouvrières seront mortes de vieillesse.
Si la colonie est puissante, il est possible de la remèrer ; plusieurs méthodes sont possibles mais il en est certaines qui ne marchent jamais, alors que l’on est souvent tenté de les appliquer.
Ce qu’il ne faut pas faire !
- Introduire une reine vierge non fécondée suivant les méthodes habituelles ; le remèrage n’est pas accepté.
- Introduire un cadre de couvain frais en espérant un élevage royal ; la colonie ne se considère pas comme orpheline car il y a de la ponte et du couvain. Le cadre sera couvé et les jeunes abeilles viendront renforcer pour un temps la colonie orpheline retardant ainsi un peu sa disparition.
Ce que l’on peut essayer
- Secouer toutes les abeilles à 200 mètres du rucher. Seules les abeilles ouvrières rentreront a la ruche ; les pondeuses ont perdu le sens de l’orientation et restent sur place. On peut alors introduire une reine en ponte dans une cage avec quelques très jeunes nourrices.
- Anesthésier la colonie au nitrate d’ammoniaque (monoxyde d’azote ou « gaz hilarant ou » gaz moutarde) et lorsque la colonie commence à se réveiller sans refermer la ruche on peut alors lâcher en liberté une vieille reine qui va immédiatement courir sur les abeilles encore endormies et aura ainsi le temps de disperser sur elles l’hormone royale qui indique sa présence et inhibe la ponte des ouvrières.
- Réunir en les secouant les abeilles orphelines à un petit essaim avec une reine en ponte. Celui ci se trouvera ainsi renforcé par un apport de butineuses.
De ces trois méthodes on peut mettre en évidence une constante : on ne donne pas une reine a la colonie orpheline mais une colonie (désorganisée, stressée, anesthésiée) à la reine.
Ce qu’il est inutile de faire !
Si la colonie orpheline est peu populeuse, si elle est orpheline depuis l’hivernage ou si elle est bourdonneuse depuis longtemps (les abeilles sont excitées) il est inutile de gaspiller son temps et une reine en ponte pour la sauver. Il est préférable de l’éliminer (ruche et support) en secouant les abeilles pendant une belle journée, elles iront ainsi renforcer les ruches voisines.
Texte : Marc FOUGEROUSE
Bulletin N°23 Février 1998