La récolte consiste à prélever à la ruche le surplus de provisions que les abeilles ont emmagasiné pour leur propre consommation et… survie.
Si par le passé, a l’époque où dans certaines régions de France on pratiquait aussi « l’étouffage », cette récolte se faisait « à la fleur du cerisier » (vers la mi-avril ), c’est à dire lorsque la ruche ne risquait plus de mourir de faim et que le miel qui s’y trouvait était véritablement le surplus, il est bien sûr hors de question de procéder ainsi actuellement où tout empirisme a disparu dans la conduite des ruches !
Quand récolter et à quelle époque ?
En ce qui concerne la première question, la réponse est simple : lorsque le miel est « mûr ».
Le nectar rapporté par les abeilles subit de multiples et complexes transformations dans la ruche et ne devient véritablement miel que lorsque sa teneur en eau avoisine 18%, ce qui pour l’apiculteur sera un gage de bonne conservation (risque de fermentation quasiment nul alors).
A ce stade d’élaboration du miel, les abeilles ferment chaque cellule avec un opercule de cire pour le protéger.
C’est la phase d’operculation.
La récolte pourra donc avoir lieu dès que cette phase d’operculation sera terminée. Elle sera considérée comme telle lorsque environ 80% des cadres de hausse seront operculés.
Il n’est donc pas nécessaire d’attendre la fin de saison (fin août, voire début septembre) pour récolter son miel.
Il est même préférable de le faire le plus tôt possible.
- Soit cette première récolte – miel de début de saison, souvent clair et qui cristallise assez rapidement – sera suivi d’une possible récolte d’été – obtention d’un miel différent alors, souvent plus « malté » – si on remet la hausse,
- Soit, dans le cas contraire, la ruche aura le temps de « faire ses provisions d’hiver ».
Une récolte sans attendre la fin de l’été permet aussi de faire un traitement précoce contre la varroase et d’obtenir ainsi des abeilles de meilleure qualité pour l’hivernage.
Le cas des apiculteurs qui transhument pour produire des miels monofloraux est particulier.
La contrainte de récolter dès que la miellée visée est terminée conduit à récolter des cadres dont l’operculation n’est pas terminée.
L’opération de récolte doit alors être suivie d’une déshumidification en miellerie et d’un contrôle de la teneur en eau du miel au réfractomètre.
A quel moment de la journée opérer ?
Rappelons tout d’abord qu’il convient de choisir ce qu’il est convenu d’appeler une « belle journée » : temps calme, non orageux, avec une petite activité aux ruches (synonyme de petite miellée, donc butineuses moins nombreuses dans la ruche). Il faut tenir compte aussi de l’environnement des ruches (proximité d’habitations, zones de passage….).
Toute intervention sur une ruche est source de perturbation pour la colonie et crée un déséquilibre.
Le retour à l’équilibre doit être le plus rapide possible. Ce doit être un objectif à considérer comme primordial. Parce que l’ordre et la tranquillité reviendront plus facilement à la faveur de la nuit, la récolte en fin d’après-midi est à privilégier.
Cependant le nombre de ruches à récolter, la méthode employée ainsi que des contraintes personnelles peuvent conduire à un autre choix.
Quel qu’il soit, l’apiculteur devra toujours avoir pour souci premier la prudence et la sécurité.
Les différentes techniques de récolte
Quelle que soit la méthode utilisée, avant chaque récolte il conviendra de faire l’inventaire de tout le matériel nécessaire pour cette opération.
Le mauvais déroulement de celle-ci peut parfois tenir à peu de chose !… Et il conviendra de garder en mémoire qu’un usage modéré de la fumée devra être fait.
La récolte cadre à cadre
C’est sans doute celle qui est la plus couramment utilisée.
Après un enfumage très modéré à l’entrée de la ruche, on enlève le couvre-cadres de la hausse et on fait descendre les abeilles par un autre léger enfumage ; le plus rapidement possible alors on retire chaque cadre de la hausse qu’on débarrasse de ses abeilles avant de le placer dans une hausse vide recouverte d’un couvre-cadres pour éviter l’intrusion de pillardes.
Pour débarrasser un cadre de ses abeilles, on peut le faire soit par secouage (une tape sèche d’une main sur la barrette du cadre tenu par l’autre main à une de ses extrémités ou une secousse sèche en tenant le cadre par chacune de ses extrémités) soit par brossage à l’aide de la brosse à abeilles.
On peut aussi combiner les deux méthodes si on veut vraiment des cadres sans abeilles.
Cette méthode est d’autant plus satisfaisante que le miel est bien operculé : les abeilles ne s’accrochent pas au cadre, la tête dans les cellules pour se gorger de miel.
Elle a l’avantage de la rapidité pour celui qui la maîtrise bien. Par contre après une forte miellée avec des constructions parasites entre le corps et la hausse, elle favorise les coulures de miel qui sont un inconvénient certain (odeurs de miel et incitation des ruches voisines au pillage).
La récolte au chasse-abeilles
Le chasse-abeilles est un petit appareil qui fonctionne sur le principe de la nasse : il ne permet le passage des abeilles que dans un sens (celui de la hausse vers le corps de ruche en l’occurrence).
Il doit être placé sur un couvre-cadres spécial, entouré dessus et dessous d’un liteau d’au moins 15 mm.
Mis en place sur la ruche en fin d’après-midi, il permet de récolter une hausse vide d’abeilles le lendemain matin.
C’est de loin, la méthode la plus « confortable », garantie sans piqûres.
Autres avantages : utilisation minimum de la fumée, aucune coulure de miel lorsqu’on enlève la hausse le lendemain (tout a été léché et réparé !).
Le seul inconvénient de cette méthode : elle oblige à intervenir deux fois sur la ruche.
Mais, dans le cadre d’une apiculture de loisir où le rucher est proche de son habitation, est-ce vraiment une contrainte ?
Remarque : le chasse-abeilles est pris en défaut s’il y a du couvain dans la hausse.
A l’apiculteur de faire le nécessaire….
La récolte au répulsif
Elle nécessite un couvre-cadres spécial : cadre à la dimension de la hausse, tendu d’une toile de jute ou autre.
Lors de la récolte on imprègne la toile de quelques gouttes d’un répulsif : benzaldéhyde ou nitrobenzène (essence de mirbane) et on place le couvre-cadres sur la hausse.
En quelques minutes, les abeilles désertent celle-ci pour rejoindre le corps de ruche. On place alors le couvre-cadres sur la hausse de la ruche suivante et on peut enlever la première hausse et la ranger hors de portée des pillardes pendant que le produit fait effet.
On procède ainsi de proche en proche. Pour plus de commodité, et de rapidité il est préférable de travailler avec deux plateaux simultanément. Pour bien fonctionner, la méthode demande une température extérieure propice à l’évaporation du répulsif.
Autres inconvénients qui doivent faire bannir cette méthode : les vapeurs peuvent être toxiques pour l’apiculteur ; il y a un risque de contamination d’odeurs au miel ; enfin, pourquoi introduire des vapeurs de produits chimiques dans la ruche , à plus forte raison lors de la récolte.
Les traitements antivarroas suffisent amplement !
Pour mémoire, cette méthode de récolte est interdite par la Charte de Qualité élaborée par » L’Abeille du Forez « .
La récolte au souffleur
Elle met en œuvre un souffleur thermique et nécessite la présence de deux personnes pour une bonne efficacité.
De ce fait elle est très peu utilisée en apiculture d’amateur et correspond plus à l’apiculture professionnelle. Après enfumage à l’entrée, le couvre-cadres est enlevé et à l’aide du souffleur les abeilles sont en partie refoulées dans le corps de ruche.
Puis la hausse est placée de chant et le souffleur est appliqué entre chaque ruelle. Les abeilles sont projetées à l’avant et reviennent à la ruche.
La hausse est alors enlevée d’un bloc lorsqu’elle est pratiquement vide d’abeilles. C’est de loin la méthode la plus rapide, pour ne pas dire expéditive.
Il est à noter que les abeilles ne manifestent aucune agressivité particulière.
Quelle que soit la méthode utilisée, il ne faut pas laisser de cadres garnis à la portée des abeilles, tout comme il faut veiller aux coulures de miel, morceaux de brèches qui tombent à terre ou abandonnés à proximité, voire simples traces de miel sur les ruches : cela risquerait de déclencher un pillage, phénomène qui peut dégénérer très vite parfois (fin de saison) et toujours difficile à maîtriser.
Il est donc bien d’avoir à portée de main un récipient hermétique pour récupérer les brèches et un seau d’eau avec une éponge.
La récolte faite, il conviendra d’extraire le miel le plus rapidement possible, pendant qu’il est encore à la température de la ruche et que sa fluidité favorisera son extraction puis sa décantation.
Ceci est d’autant plus important que la récolte sera faite tardivement avec des températures extérieures qui peuvent être fraîches.
Jean-Louis PERDRIX