Gestion de la varroase en 2020 au rucher école

La saison 2019 avec les nombreuses disparitions de colonies en fin d’année doit nous inciter à ne pas reproduire les conditions qui ont conduit à cette situation et à adopter une méthode de conduite des ruches plus rigoureuse.

La précocité, maintenant habituelle, de la saison apicole amène les colonies à favoriser la reproduction des varroas tôt dans l’année.

Le taux d’infestation atteint donc rapidement un maximum et lorsque la reine réduit sa ponte en fin de miellée le couvain se trouve très parasité. Cela conduit les colonies à élever des abeilles d’été plus ou moins fortement impactées par le parasite.

Ce sont donc des abeilles fragilisées qui doivent à leur tour nourrir le couvain qui va donner naissance aux fameuses et si précieuses abeilles d’hiver. Celles qui grâce à leur longévité devront hiverner puis redémarrer la production de couvain la saison prochaine.

Pour que la production d’abeilles d’hiver soit de qualité et abondante il est essentiel que leurs nourrices soient nombreuses et en bonne santé (il va de soi que la qualité de la reine ainsi que la qualité et la quantité de la nourriture sont aussi essentielles). Pour peu qu’une sécheresse vienne perturber le cycle biologique de la colonie et que l’efficacité du traitement d’été soit moindre ou trop tardif, on arrive alors aux conditions qui engendrent les effondrements de fin d’année.

Cette année nous ne devons pas laisser cette situation se reproduire au risque de réduire fortement nos ruchers et d’accentuer notre découragement.

Le développement printanier très précoce a permis cette année une miellée de printemps partout où la sécheresse n’a pas été trop importante. Elle a aussi permis aux varroas de se multiplier abondamment surtout si le taux d’infestation à la sortie de l’hivernage était mal maîtrisé. Si l’été qui vient est favorable à la miellée, les colonies seront prospères jusque-là.

C’est après que le taux d’infestation des varroas sera essentiel et fera ou non que les colonies s’effondreront. C’est donc à cette période qu’il est absolument nécessaire d’intervenir efficacement.

Afin de ne pas être pris au dépourvu, il est important de vérifier régulièrement le taux d’infestation par des tests d’avril à juillet soit en comptant la chute naturelle pendant trois jours sur un lange graissé soit en réalisant une évaluation des varroas phorétiques par la méthode au sucre glace ou celle à l’alcool.

Si ces taux sont malheureusement trop élevés, il faudra traiter pendant la période avec une méthode compatible avec la production de miel (traitement flash à l’acide oxalique par pulvérisation ou par sublimation ou traitement long avec des inserts acide oxalique/glycérine).

Si la période de miellée se déroule sans que l’infestation ne dépasse les limites, il sera alors essentiel de faire chuter fortement l’infestation dès la dernière récolte, c’est à dire généralement fin Juillet début août.

Chute naturelle journalière : Seuil critique d’infestation

Janv Fév Mars Avril Mai Juin Juill Août Sept Oct Nov Déc
0,5 1 1 à 2 3 3 à 4 5 10 20 1 à 2 1 0,5 0.5

Sucre glace : pourcentage d’infestation VP/100 ab en juillet

1 à 2 % 3 à 5 % Sup à 5 %
Traiter Urgent

Sachant que les traitements les plus efficaces sont ceux effectués alors qu’il n’y a plus de couvain operculé, il est possible à cette époque de l’année de provoquer artificiellement cette situation : soit en encageant la reine pendant trois semaines (25 jours), soit en supprimant le couvain qui à ce moment du cycle biologique de la colonie n’est pas très étendu (surtout chez l’abeille noire).
Pour ce faire on utilise dans le premier cas des cages Scalvini adaptées au confinement de la reine tout en lui permettant la ponte dans des alvéoles qui ne permettent pas l’évolution du couvain. Lors de la libération de la reine, celle-ci peut être remplacée par une jeune reine en ponte.
Dans le second cas, soit on supprime les cadres de couvain avec le pollen (le miel peut être récupéré par pillage), soit on les congèle pendant deux jours avant de les restituer aux colonies qui feront le nettoyage des nymphes et des varroas morts et qui récupèrent ainsi les provisions.
Lors de la période sans couvain il faut procéder au traitement de l’essaim à l’acide oxalique par dégouttement ou par pulvérisation et répéter ce traitement après quatre jours.
La reprise de ponte de la reine est alors de qualité semblable à celle d’un essaim naturel. Il faut la favoriser par un apport de pollen et de sirop s’il n’y a pas de miellée.

Pour ceux d’entre nous qui souhaitent poursuivre les traitements par la pose d’inserts à action longue il ne faut surtout pas tarder à le faire pour les raisons citées précédemment. Cette année il est sans doute préférable de ne pas utiliser l’amitraze dont on doute de l’efficacité, mais de pratiquer un traitement différent, soit avec le fluvalinate (APISTAN), soit avec l’acide oxalique.
Les colonies pourront alors élever les fameuses abeilles d’hiver, si précieuses, dans un environnement sain.

Après un traitement hivernal par dégouttement à l’acide oxalique en période sans couvain (obligatoire pour tout le monde) nous retrouverons au printemps un rucher avec peu de pertes. Cette discipline dans la gestion de la varroase peut s’accompagner de la suppression régulière du couvain de mâle tous les 21 jours sur des cadres prévus à cet effet (cadres à jambage).

Pour ceux qui sont séduits par l’utilisation des huiles essentielles, des feuilles de rhubarbe, des nids de fourmis ou qui pensent que les abeilles vont rapidement développer une résistance aux varroas sans trop d’aide de notre part, pour ceux qui ne souhaitent plus utiliser les traitements issus de la chimie et qui ont toujours des abeilles, il est préférable maintenant d’adopter l’acide oxalique en traitement flash et en traitement long.

Quelle que soit la méthode de traitement utilisée il est important de traiter toutes les ruches du rucher en même temps et de traiter si possible tous les ruchers environnants car la ré-infestation est un phénomène à ne pas négliger (dérive dans le rucher et pillage des colonies effondrées).

Témoignage d'un apiculteur professionnel en apiculture biologique

Lors la visite de printemps : pose des inserts acide oxalique/glycérine renouvelée après trois semaines (11 grammes d'acide par ruche et par traitement). 

Après la dernière récolte : idem.

En hiver sans couvain : dégouttement à l'acide oxalique (à raison de 40 g par litre dans du sirop tiède 50/50) (5 ml par inter cadre occupé).

Tutoriel pour la fabrication d’inserts à l’acide oxalique/glycérine

Il s ‘agit là de la fabrication des inserts destinés au traitement des colonies du rucher école.
Les cartonnettes utilisées font 1,2 mm d’épaisseur, 45 cm de longueur et 2 cm de largeur. D’autres dimensions sont aussi possibles suivant l’approvisionnement.

Après fabrication les inserts contiennent environ 5 g d’acide oxalique.
Ils seront installés au nombre de deux, pliés en deux, à cheval sur la tête de cadre de couvain de façon à gêner les abeilles qui les grignoteront pendant trois semaines. Le traitement sera renouvelé une fois.On peut se procurer l’acide oxalique dihydrate dans le commerce apicole ou sur internet ainsi que la glycérine.
Pour les petits ruchers il est préférable de se grouper entre apiculteurs.

L’objectif est d’imbiber des bandelettes de cartonnette d’un mélange d’acide oxalique, d’eau et de glycérine.Quelques précautions sont

nécessaires du fait de l’emploi de l’acide oxalique et des projections possibles (surtout protéger les yeux). Il est préférable d’opérer dans un lieu bien ventilé.

Il est essentiel d’opérer pour les mélanges à une température de 72°c ainsi que pendant la phase d’imprégnation des cartonnettes qui doivent être rangées de préférence sur chant, pas trop serrées car elles vont prendre du volume et en une seule couche. Il faut adapter un système de maintien

de la température (bain marie, glacière avec bouillotte d’eau chaude…). Le temps d’imprégnation est relativement long (une bonne demi-heure).

Dans un premier temps, après avoir pesé les ingrédients il faut dissoudre 

l’acide oxalique dans l’eau dans un récipient (vieille casserole) en portant

le mélange jusqu’à 72°c minimum tout en remuant avec une spatule de bois (utiliser un thermomètre).

Attention : on verse l’acide dans l’eau et non l’inverse. Dans un deuxième 

temps on porte la glycérine à 72°C.

Pendant ces trois premières phases on préchauffe les cartonnettes dans un four.

 

 

 

 

 

 

La dernière phase consiste à imbiber les cartonnettes chaudes avec le mélange en le versant dessus. Il est important de maintenir la température pendant cette phase au risque qu’une partie de l’acide ne recristallise avant la fin de l’absorption.
Les inserts peuvent être conservés dans un seau en plastique jusqu’à leur utilisation.

Il est utile de calculer la quantité d’acide contenue dans chaque insert en divisant le poids d’acide mis en œuvre par le nombre d’inserts imbibés. On utilisera environ 11 grammes par ruche normalement peuplée.
Dans le cas des bandelettes imbibées pour le rucher école, elles contiennent environ 5 g d’acide oxalique. Nous en utiliserons donc deux par ruches, renouvelées une fois après trois semaines.
Les bandelettes achetées au centre d’apiculture mesurant 30 cm x 4 cm doivent être refendues en deux pour une meilleure répartition dans le couvain. Elles contiennent alors environ 3,4 grammes d’acide oxalique. On en utilise alors trois par ruche renouvelées une fois après trois semaines.

Proportions utilisées pour cette fabrication :

Acide oxalique 925 g
Eau 770 g ou ml
Glycérine 1260 g ou 1 litre
Inserts 45 x 2 182 à 5 g
Inserts (30 x 2)  274 à 3,4 g

Proportions utilisées avec ½ litre de glycérine pour 23 ruches (2 x 3 inserts) ou une douzaine de ruches deux fois dans l’année

Acide oxalique 462 g
Eau 385 g ou ml
Glycérine 630 g ou ½ litre
Inserts (30 x 2) 137

Autres proportions pour des inserts (30 x 2) :

500 g 416 g ou ml 680 g 148
250 g 208 g ou ml 340 g 74

Marc FOUGEROUSE