Les besoins en pollen d’une colonie varient en fonction de son état et de son développement, et selon les saisons. Tout apiculteur en a fait le constat et sait que les rentrées de pollen sont le reflet de la vitalité de la colonie. Ces besoins sont estimés à environ 35 kg par an. L’apiculteur peut donc facilement en prélever une partie pour sa consommation familiale, en général de l’ordre d’un kilo et demi, sans préjudice pour la colonie. Il est d’ailleurs à noter que pour compenser la baisse de rentrée en pollen, un plus grand nombre de butineuses partent en récolter et que le peigne de la trappe laisse aussi passer des abeilles qui rapportent de plus petites pelotes. Enfin il n’est pas nécessaire de laisser le peigne de la trappe en fonction constamment pendant la période de récolte.
Pour récolter du pollen il faut donc utiliser une trappe à pollen dont le principe consiste à obliger les abeilles à passer au travers d’une plaque, généralement en plastique, percée de trous de 5 mm de diamètre (le peigne) qui laisseront passer les abeilles mais décrocheront au passage les pelotes situées dans les corbeilles des pattes arrières. Ces pelotes tomberont dans un tiroir situé sous une partie grillagée, à l’aplomb du peigne. Sur les côtés de la trappe deux trous d’un diamètre d’un centimètre environ permettent aux mâles de sortir. Des butineuses trouvent vite cette ouverture qu’elles utilisent pour sortir et… entrer sans passer par le peigne ! Pour ne conserver que la fonction sortie, un petit morceau de tuyau plastique transparent est introduit dans le trou et dépasse de 2 ou 3 centimètres à l’extérieur, ce qui est suffisant pour qu’elles ne puissent pas trouver l’entrée.
Pour une récolte de type familial, il existe essentiellement deux types de trappe : la trappe d’entrée et la trappe de plancher. Le premier type modifie l’aspect de l’entrée de la ruche et perturbe quelque peu les butineuses. Il faut la mettre en fonction un jour ou deux sans le peigne. Le tiroir est souvent très étanche pour être protégé des intempéries et nécessite d’être relevé quotidiennement pour récolter un pollen de qualité. Son avantage réside dans son prix, relativement bon marché (environ 25 euro pour un modèle en bois) voire très bon marché pour les modèles en plastique (environ 8 euro).
Le plancher trappe à pollen est nettement plus onéreux, de l’ordre de 48 euro. Il est facile à mettre en service et est moins perturbant pour les butineuses. Le volet mobile mettant en service le peigne est facile à activer ou désactiver. Le tiroir de grande capacité, en grillage inox fin donc très aéré, placé sous la ruche, donc bien abrité, permet de récolter le pollen à une fréquence moins contraignante, tous les deux jours, voire trois par temps sec, ce qui est appréciable si le rucher est éloigné. Il est cependant préconisé de récolter le pollen tous les jours pour une meilleure qualité de celui-ci, ce qui n’est pas un problème dans le cadre d’une récolte de type familial où les ruches sont proches du domicile. Enfin il est possible de le laisser en place toute l’année, comme un plancher ordinaire et de ne le mettre en service qu’à l’époque où on veut récolter du pollen. Gilles Fert que nous avions fait venir à Feurs en octobre 2015 pour une conférence sur l’élevage des reines à l’occasion du 25ème anniversaire du syndicat, avait dit que c’était ainsi qu’il utilisait le plancher trappe à pollen.
Quand récolter du pollen ?
Le pollen est l’unique source de protéines de la colonie et vital pour la production de la gelée royale par les nourrices à qui incombe l’élevage des larves. Il est abondamment récolté lorsque la colonie est en phase d’accroissement du couvain. C’est donc à cette époque qu’il convient de mettre en service la trappe à pollen, disons à partir de début avril pour la plaine du Forez, en prenant la floraison des pissenlits comme repère. La période peut ensuite s’échelonner jusqu’à fin mai, ce qui est largement suffisant pour une production familiale. D’ailleurs lorsque la colonie arrive en phase d’amassage et rentre du nectar, la récolte de pollen diminue sensiblement.
Les quantités récoltées à chaque levée sont très variables : elles varient bien sûr en fonction des conditions météorologiques qui conditionnent la sortie des abeilles ; elles varient en fonction de l’élevage et il y a une nette corrélation entre la surface de couvain ouvert et la production ; elles varient aussi d’une ruche à l’autre. Une nette baisse dans la quantité récoltée pour une ruche, dont la production était identique aux autres, indique un déséquilibre entre couvain ouvert et couvain fermé et est souvent l’indice d’une fièvre d’essaimage pour cette colonie. La quantité finale récoltée dépend essentiellement de l’environnement et de la densité en ruches. Des besoins estimés à 35 kg par ruche et par an demandent en effet des floraisons importantes avec plusieurs cycles de floraison dans l’année et cela dans un rayon d’environ un kilomètre. Les butineuses en recherche de pollen ont une aire de butinage plus restreinte que pour le nectar. Remarque pratique : le constat régulier de petites récoltes de pollen est le signe de ressources déficitaires pour ce site, ou d’une surpopulation.
Quel traitement pour le pollen récolté ?
Le nettoyage est la première opération à effectuer. Il convient d’éliminer des « poussières » (minuscules déchets de pelotes de pollen essentiellement) qui passent facilement au travers d’une passoire aux mailles très fines, en secouant légèrement. Ensuite il faut éliminer des « corps étrangers » (ailes et pattes d’abeilles bien souvent, minuscules fourmis…).
En procédant par petites quantités et à l’aide d’une pince à épiler on en vient facilement et rapidement à bout. Chaque quantité nettoyée est versée dans un pot et aussitôt congelée. Un pot verre d’un kg convient très bien.
On peut tout aussi bien utiliser des sacs en plastique spécial congélation qui ont l’avantage de tenir moins de place dans le congélateur.
Depuis les travaux de M. Percie du Sert dans les années 90, il est reconnu que la congélation est de loin préférable au séchage qui fait perdre au pollen une bonne partie de ses propriétés. En outre la pratique de la congélation ne demande rien de particulier, si ce n’est posséder un congélateur et c’est un appareil qu’on trouve dans tous les foyers, contrairement à la déshydratation qui exige un séchoir.
Qu’on en fasse l’achat ou qu’on le fabrique soi-même, c’est un investissement et, de plus, une mise en œuvre qui demande une surveillance. La récolte du pollen ne présente pas de difficultés particulières et ne nuit en rien à la vitalité de la colonie.
C’est à bien des égards une production plus facile que celle du miel et tout apiculteur devrait la pratiquer. Deux trappes à pollen ont été mises en place en avril au rucher-école pour présenter cette récolte (voir « Fil rouge » du 8 avril) et vous inciter à franchir le pas.
Deux prochains articles reviendront sur le pollen : l’un traitera de son intérêt vital pour la colonie et les solutions possibles en cas de déficit, l’autre présentera ses propriétés dans le domaine de l’apithérapie.
Jean-Louis PERDRIX
Bulletin n°82 Mai 2017