NOISETIER ET SAULE MARSAULT
Quand les premiers pollens, à l’aube du printemps, annoncent le renouveau…
En dehors des vols de propreté, la saison hivernale ne bouscule pas vraiment les abeilles hors des ruches. Néanmoins, l’allongement des jours et l’élévation des températures dès la mijanvier, laisse présager la reprise de l’activité au sein des colonies.
L’atmosphère est toujours hivernale, mais par de douces journées ensoleillées, la planche d’envol se teinte des premières pelotes de pollen récoltées sur le noisetier.
Certes, non pas pour la réjouissance de l’apiculteur mais faisant tout de même son bonheur.
Progressivement la reine reprend sa ponte et la présence du nouveau couvain encourage les abeilles aux ravitaillements.
Aux premiers temps calmes et doux, la priorité est de pourvoir aux besoins de la ruche, à la recherche d’eau et de nourriture fraîche.
Si les conditions climatiques sont favorables, les premières récoltes importantes de nectar et de pollen sont réalisées avec la floraison du saule marsault en mars/avril.
Primordiales, ces plantes mellifères constituent à la sortie de l’hiver une source de nourritures abondantes, avec une réelle répercussion très positive sur l’évolution des colonies et le démarrage du couvain.
Le noisetier
Le noisetier ou coudrier, de son nom scientifique Corylus avellana appartient à la famille des Bétulacées.
Son nom de genre Corylus tire son étymologie du grec Korus signifiant capuchon, image de la cupule membraneuse dentée qui protège la noisette.
Arbrisseau à feuilles caduques (les feuilles apparaissent après la floraison), le noisetier bénéficie d’un large spectre écologique.
Il apprécie les sols riches mais peut tout aussi bien se développer sur des sols calcaires ou siliceux. On le retrouve en plaine et en montagne jusqu’à 2000 mètres d’altitude.
C’est une espèce rustique très répandue en France en dehors du littoral méditerranéen. Il est présent en lisières et clairières forestières ainsi que dans les sous-bois suffisamment éclairés. Il dépasse rarement les 5-6 mètres de hauteur.
Très caractéristique, son port buissonnant forme parfois des taillis, appelés coudraies. Le noisetier est une espèce monoïque, un même individu porte à la fois des fleurs mâles et femelles individualisées. Fleurs, floraison & intérêts apicoles : Sa floraison, survenant de janvier à mars suivant les régions et l’altitude (parfois dès décembre), en fait le végétal forestier le plus précoce.
Réduites à leurs étamines, les fleurs mâles apparaissent es premières dès l’automne. Elles forment des grappes d’inflorescences allongées, des chatons d’environ 10 à 15 cm. Très repérables, de par leur couleur jaune, ils sont constitués d’écailles velues.
Les fleurs mâles arrivent à maturité en libérant leur pollen bien avant que les fleurs femelles d’un même pied ne soient réceptives.
Très réduites, les fleurs femelles restent protégées du froid et du gel entre les inflorescences femelles. Lorsqu’elles arrivent à maturité, beaucoup plus tardivement, les stigmates des fleurs femelles d’un rouge carmin émergent pour capter le pollen disséminé par le vent.
Leur floraison peut se prolonger jusqu’à la fin du mois de mars. Ce phénomène connu sous le nom de protandrie définit une stratégie d’évitement de l’autofécondation.
La maturation des fleurs femelles, plus tardive, empêche la pollinisation sur un même pied et ce faisant maximise la diversité génétique au sein de l’espèce.
Adapté à la pollinisation par le vent, le noisetier ne produit pas de nectar. Il reste cependant une plante non négligeable en ce qu’il apporte aux colonies un très abondant pollen jaunepâle. Sa valeur nutritionnelle est moyenne mais l’offre à cette période de l’année est rare, et le noisetier fournit aux abeilles un apport en nourriture fraîche.
On lui reconnait également l’efficacité de faire disparaître les débuts de nosémose ou diarrhées qui touchent les ruches faibles à la sortie de l’hiver.
Cette source de protéines fraîches associée aux réserves de pollen amassées lors de la saison précédente servira au démarrage du couvain et au nourrissage des larves.
Le saule Marsault
Petit arbre modeste mais très commun, le saule marsault appartient à la famille des Salicacées au sein de laquelle sont recensés les saules (genre Salix) mais aussi en France les peupliers (genre Populus).
Le nom scientifique de l’espèce Salix caprea signifie littéralement « saule des chèvres ». Prospère en terrain frais à humide, le saule marsault est une espèce pionnière qui colonise aisément les fossés, les bordures de rivières et de ruisseaux ainsi que toutes terres suffisamment humides et non cultivées.
Mais il semblerait qu’il puisse aussi se contenter de sols pauvres et caillouteux. Suivant le type de sol, le saule marsault se présente ainsi soit comme un arbuste ramifié, soit comme un petit arbre au tronc marqué de crevasses.
Sa valeur apicole est manifeste et la facilité de son bouturage valent que l’on se hasarde à multiplier tant les pieds mâles que femelles. L’espèce est héliophile, elle aime la lumière et disparaît au fur et à mesure que le milieu se ferme.
Ce petit arbre au feuillage caduc, de 5 à 10 mètres de hauteur en moyenne, peut atteindre exceptionnellement 15 mètres. Chez le saule marsault, les fleurs mâles et femelles sont formées sur des arbres séparés, on parle d’espèce dioïque. Fleurs, floraison & intérêts apicoles : Une des caractéristiques des saules, ce sont les bourgeons qui libèrent les fleurs mâles et femelles (des inflorescences ovoïdes dressées et protégées par une seule écaille).
Les fleurs mâles et femelles, des chatons mesurant de 3 à 5 cm, apparaissent dès le début du mois de mars. La floraison chez les pieds mâles donne naissance à des chatons blancs duveteux puis jaune poussin à maturité, très riches en pollen et nectar.
Les chatons des pieds femelles sont gris-vert et produisent essentiellement du nectar. Relativement longue et importante, la floraison du saule marsault est très intéressante et agit comme un véritable aimant à abeilles.
Son pollen est très recherché par toutes sortes d’insectes, en vue de la reproduction au printemps.
Cette abondance de pollen et de nectar font du saule marsault une particularité, au sein des autres arbres forestiers à chatons pollinisés par le vent. Dès la fin de la floraison, les chatons mâles du saule tombent, en revanche ceux des fleurs femelles vont se transformer en capsules qui éclateront au mois de mai, libérant ainsi de minuscules graines soyeuses disséminées par le vent.
Le phénomène est tel, que l’on parle parfois de « neige des saules ».
Le pollen et le nectar du saule marsault sont très riches, ils constituent des sources de protéines et de glucides de première importance pour le nourrissage des larves et le bon développement des colonies. Le nectar qui se libère des fleurs mâles et femelles est abondant.
Les abeilles le récoltent en grande quantité avec le pollen jaune soutenu produit lui aussi en quantité importante par les fleurs mâles. Ce faisant, le saule marsault constitue la première véritable miellée de printemps même si exceptionnellement exploitable par l’apiculteur car rares sont les colonies bien développées à la sortie de l’hiver.
Son miel de couleur or est très apprécié des abeilles. Les floraisons successives du noisetier et du saule marsault ne marquent ni l’entrée dans une nouvelle saison apicole, ni la fin de la précédente.
Face aux températures hivernales très basses, les colonies sont entrées en hivernation, une phase d’activité ralentie. Elles ont formé une grappe resserrée pour maintenir au sein de celle-ci la chaleur nécessaire à leur survie, se nourrissant de leurs réserves de miel et de pollen.
Durant ce cycle, on constate une diminution du couvain de façon importante, voire totale et l’arrêt de la ponte chez la reine. Les floraisons du noisetier et du saule marsault associées à des conditions météorologiques clémentes vont permettre aux abeilles de relancer l’activité de la ruche.
Cette reprise d’activité sera d’ailleurs révélatrice de la force des colonies et de la qualité des futures miellées. Car aux premières ressources offertes par le noisetier et le saule marsault, succèderont la floraison des pissenlits (Taraxacum officinale), prochaine miellée notable du printemps…
Alexandra VEY
Bulletin n°81 Février 2017