« J’avais une autre petite famille au bout du jardin : c’était des abeilles. Je ne manquais guère d’aller leur rendre visite ; je m’intéressais beaucoup à leur ouvrage ; je m’amusais infiniment à les voir revenir de la picorée, leurs petites cuisses quelquefois si chargées qu’elles avaient peine à marcher. »
J.J. ROUSSEAU, « Les confessions, livre VI »
Cette recherche consacrée à l’apithérapie progresse et s’enrichit avec le pollen et ses bienfaits thérapeutiques ; elle nous invite à regarder ce véritable laboratoire pharmaceutique de la nature que constitue la ruche, capable d’apporter santé et bien-être.
Les origines du pollen
Silencieuses et immobiles, odorantes et colorées, la majorité des plantes à fleurs jouent d’ingéniosité pour attirer la peuplade ailée. Agissant comme un parfait vecteur, les insectes pollinisateurs dispersent le pollen et assurent ainsi la fécondation des fleurs. En échange de ce service, les insectes y trouvent la plupart du temps de la nourriture : un nectar parfumé et/ou du pollen. Alors que le miel constitue pour l’abeille sa source d’énergie, le pollen est l’aliment fortifiant, la réserve nutritive de protéines et sa source de nourriture presque exclusive.
La récolte du pollen, où et quand ?
Les abeilles gèrent leur provision en pollen en fonction de ce qui rentre réellement pour elles dans la ruche. Si un apiculteur avec une trappe à pollen parvient à leur soustraire les 2/3 de leur récolte, la colonie envoie deux fois plus d’abeilles pour aller en chercher ; comme elles vont dépenser plus d’énergie, il faudra veiller à ce qu’elles aient des réserves suffisantes de miel. Une attention doit être apportée aux conditions climatiques et au taux d’humidité dans l’air durant les jours de récolte, le pollen ne doit pas absorber trop d’humidité. Il est aussi préférable de ne pas mélanger ou séparer la variété des mélanges de pollen que les abeilles récoltent, cette dernière fournit tous les nutriments nécessaires à la colonie et par conséquent aux consommateurs.
Les multiples qualités thérapeutiques des pollens rapportés à la ruche sont en corrélation directe avec la variété des mélanges floraux disponibles dans l’aire de butinage des colonies. L’alimentation de l’abeille, sa santé et la qualité des pollens sont donc fortement conditionnées par la biodiversité florale. En raison de la propagation des néonicotinoïdes dans les plantes à fleurs et dans l’environnement, il faut éviter de récolter les pollens dans des zones de grandes cultures et privilégier la récolte de pollens de fleurs issues des plantes sauvages, dans les zones de montagne à pollution moindre.
Taille, aspect et commercialisation
Suivant leur végétal d’origine, les diamètres des pollens peuvent varier. Le grain de pollen des plantes à fleurs est constitué de deux enveloppes. La paroi à l’extérieur est formée par l’exine et celle à l’intérieur par l’intine.
L’analyse de l’exine va permettre d’identifier les pollens. L’intine, quant à elle, est en contact direct avec le contenu vivant du spore en état de vie latente.
La présentation naturelle du pollen est sous forme de minuscules grains multicolores non amalgamés, la plupart du temps conditionnés en pot de verre. On peut également le retrouver sous forme de comprimés (les pelotes sont pulvérisées et associées à un lubrifiant pour être compressées), sous forme de dragées ou de gélules enrobées dans une résine, ou encore dans des capsules de gélatine (ces dernières préservant davantage le pollen de l’humidité). Sous forme séchée, la prise de pollen nécessite de tremper les pelotes dans un liquide (eau, jus de fruit, lait, thé…) pour permettre la libération des particules polliniques actives de leur gangue d’exine. Mais la forme la plus efficace reste sans conteste le pollen congelé rapidement après récolte et tri. Il conserve toutes ses qualités intrinsèques et on y retrouvera le plus de substances biologiquement actives et sa saveur sera beaucoup appréciable.
Pollen frais ou pollen sec
Le pollen frais est un produit puissant mais aussi fragile. Un seul gramme de pollen peut compter de 1 à 10 millions de germes mais lorsque le pollen est séché, cette flore disparaît pratiquement complètement.
La congélation permet de conserver le pollen dans son état de fraîcheur initial autrement dit tous les micro nutriments et ferments lactiques qu’il contient. Le séchage, l’oxygène, la chaleur et la lumière augmentent sensiblement la dégradation de la plupart des vitamines du pollen qui sont thermolabiles et photosensibles. Il en est de même des antioxydants et des lipides polyinsaturés, d’où l’intérêt d’utiliser des pollens frais. Si à la maison on le conserve dans un bocal ou dans un sac plastique à température ambiante, le pollen va se désactiver rapidement et perdre en bouche son bon goût fleuri et cette saveur si particulière du pollen frais.
En séchant, les lactoferments meurent puis les antioxydants s’oxydent en présence de l’air ; on perd ainsi les principales propriétés du pollen. Il n’y a pas de risques à congeler plusieurs fois un pollen décongelé. Le pollen reste intact même après plusieurs gels et dégels successifs. Plusieurs raisons l’expliquent. La première tient au fait que les pelotes ne renferment aucune flore bactérienne pathogène. La seconde est liée à la faible teneur en eau (18%) des cellules des grains de pollen. Le procédé de congélation du pollen après récolte permet la préservation de tout un ensemencement en bactéries réalisé par les abeilles et ce dernier est particulièrement très bénéfique pour la santé.
Des expériences réalisées en laboratoire ont démontré que des bactéries pathogènes pour la flore intestinale humaine sont immédiatement inhibées dès qu’elles sont mises en contact avec les ferments du pollen frais.
Composition et propriétés du pollen frais
Le pollen « frais » fait partie des aliments crus et vivants, aliments que l’on dit « bioactifs ». Très complet et complexe, il renferme dans sa composition chimique l’ensemble des composés indispensables à la vie des organismes (eau, glucides, lipides, protides, vitamines, flore bactérienne, levures, oligo-éléments et acides aminés essentiels…).
Les floraisons se succèdent au cours de l’année et en fonction de la période on récolte un pollen très différent avec des couleurs, des vertus nutritionnelles et thérapeutiques très variées.
Le pollen contient tout un ensemble de substances dont des micronutriments que l’on retrouve notamment dans les fruits et légumes mais à des teneurs bien moins importantes. Il se caractérise notamment par une richesse nutritionnelle exceptionnelle. En raison des protéines qu’il contient en abondance, il est surnommé le steak des abeilles : cent grammes de cette matière végétale apportent autant de protéines assimilées que sept œufs ou quatre centre grammes de viande de bœuf. Il est tonifiant, stimulant et même euphorisant, tous les acides aminés nécessaires à la vie de nos cellules y sont présents.
Les lactoferments…
A l’intérieur même du nectar que les abeilles emmagasinent autour du nid à couvain, elles élèvent des ferments lactiques et quelques levures. Sur les fleurs le pollen est très volatile, aussi quand elle part en quête de pollen, l’abeille emplit son jabot du nectar de la ruche. Lors de sa cueillette, l’hyménoptère va en régurgiter quelques gouttes et mouiller ses pattes postérieures afin que le pollen s’agglutine autour d’un poil situé au cœur des corbeilles de ses pattes postérieures et qui va agir comme un véritable aimant.
A ce stade, les ferments lactiques et les levures présents dans le nectar vont venir ensemencer en bactéries les pelotes de pollen et prévenir tout risque de putréfaction. Cette technique permet aux abeilles à la fois d’agglomérer le pollen pour le transporter mais aussi d’éviter sa germination et de le conserver en prévenant les attaques bactériennes. Dans la ruche, au sein des alvéoles qui entourent l’aire de ponte, les abeilles vont fabriquer un petit « fromage » de pollen lactofermenté, qui va s’acidifier et se conserver.
A ce stade, le pollen est complètement fermenté, c’est ce que l’on appelle le PAIN D’ABEILLE, un aliment plus riche en protéines que la viande ou le poisson. Il peut ainsi être digéré plus facilement par l’abeille, ou être stocké pendant des mois.
Le pain d’abeille
Base de l’alimentation pour l’élevage des abeilles, le pain d’abeilles est aussi la nourriture des nourrices qui sécrètent la gelée royale.
Préalablement mélangé à du nectar lors du butinage, le pollen est ensuite entreposé dans les alvéoles de cire que l’abeille tasse avec sa tête en opérant un mélange : une couche de pollen, une couche de miel, une couche de pollen, une couche de miel jusqu’à ce que le haut de la cellule soit atteint. Une alvéole représente le stock de nourriture pour élever une abeille. La température de la ruche déclenche la germination et la libération du pollen de son enveloppe protectrice, s’ensuit différentes transformations à l’origine de la très grande valeur nutritionnelle du pollen et de son haut degré d’assimilation. La récolte du pain d’abeilles est très difficile et sa consommation est plutôt réservée aux apiculteurs. La plupart du temps, il est récolté en découpant la partie des cadres qui en contient et il est consommé tel quel avec la cire. Il existe aussi deux méthodes permettant de l’extraire.
La première consiste à faire stocker le pollen dans des cadres spéciaux dont le fond est amovible. Le pain d’abeilles est alors poussé avec un emporte-pièce spécifique. La seconde technique consiste à découper la partie des cadres qui contient du pain d’abeilles. Les morceaux de cadre sont congelés puis passés dans une machine qui va déchiqueter le cadre. Le pain d’abeilles va conserver sa forme et la cire va se déchirer, permettant ainsi de trier la cire du pollen avec un tamis. Le pain d’abeilles sera congelé en petits conditionnements pour la conservation.
Son goût est agréable, sucré-aigre ou aigre mais rarement amer. Son odeur est spécifique, moins forte que celle du pollen ; elle est proche de l’odeur de l’air de la ruche. Contrairement aux alvéoles contenant du miel, les alvéoles de pain d’abeilles ne sont pas recouvertes de cire. Le pain d’abeilles mature peut être conservé très longtemps sans subir de modifications qualitatives ou quantitatives majeures.
La composition chimique du pain d’abeilles est aussi très complexe et variable en fonction des sources florales prédominantes, étant proche de celle du pollen dont il provient, avec certaines modifications : l’exine est détruite, le contenu en glucides diminue, la quantité de vitamines augmente ainsi que les enzymes et la diversité des composants bioactifs. La vitamine K apparaît aussi dans le pain d’abeilles ainsi qu’une enzyme digestive pour le lait qui n’existe pas dans le pollen. La fermentation donne au pain d’abeilles une valeur nutritionnelle considérée comme deux à trois fois plus élevée que le pollen dont il provient. Il présente une remarquable capacité antioxydante et de rétention des radicaux libres ; il est également intéressant pour le traitement de l’arthrite rhumatoïde.
Les bienfaits du pollen
Le pollen est un aliment de haute valeur, il est le plus riche en micronutriments que l’on connaisse. Il apporte effectivement des améliorations de santé parfois importantes, ne serait-ce que par sa très grande charge en antioxydants naturels. La variété des mélanges floraux des pollens rapportés à la ruche offre à ces derniers de multiples qualités. Stimulant et tonifiant, le pollen apporte à l’organisme un ensemble de protéines, de minéraux, d’acides gras et d’acides aminés essentiels, que notre organisme ne sait pas synthétiser. En plus d’intervenir dans le maintien d’une bonne santé, ils jouent un rôle important dans le traitement et la prévention de nombreuses affections. Le mode d’action du pollen étant alimentaire, l’intérêt de sa consommation est dans son action globale (une action proimmunitaire et une action de reconstruction de la santé).
L’action globale du pollen frais sur la santé est indéniable, notamment pour améliorer le bien-être intestinal. En plus des ferments lactiques que tous les pollens contiennent certains sont riches en caroténoïdes, de teinte orangée.
Les caroténoïdes ont des propriétés de protection de la muqueuse des intestins. Ces pollens sont intéressants pour les personnes qui ont le colon fragile. Le pollen agit comme une barrière protectrice, il favorise la reconstruction de la flore intestinale, stimule le système immunitaire et permet à l’organisme de mieux lutter contre les bactéries et les virus. Il aide aussi à lutter contre la diarrhée grâce à ses propriétés antibiotiques. Naturel et efficace dans le traitement de la constipation, le pollen ne crée aucune dépendance. Il est sans danger et peut être consommé à tout âge. Le pollen frais protège des effets néfastes du poids et il détoxifie l’organisme. Son efficacité diététique est avérée ; il est notamment recommandé aux personnes en surcharge pondérale ou souhaitant garder la ligne. Ses actions sur la sphère digestive en font un parfait régulateur de l’appétit. Un des acides aminés présents dans le pollen agit plus particulièrement sur le système nerveux. Il est considéré comme un stimulant intellectuel et un stimulant de la glande thyroïde. Le pollen agit également sur les glandes sexuelles de l’homme. Ses actions opèrent sur la reproduction (amélioration de la production des spermatozoïdes) la vigueur et la croissance.
Les propriétés pharmacologiques et nutritionnelles des flavonoïdes présents dans le pollen sont particulièrement intéressantes dans le traitement de certaines maladies liées au vieillissement.
Le pollen de saule a une action sur la dégénérescence maculaire lié à l’âge (DMLA) alors que d’autres pollens, comme celui de la bruyère callune, ont une action de protection de la sphère circulatoire.
Les composants nutritionnels du pollen sont aussi reconnus pour leurs actions bénéfiques sur les problèmes de prostate. Les phytostérols du pollen permettent une amélioration très significative du confort urinaire. Le pollen de bruyère callune et de châtaignier sont particulièrement recommandés pour le traitement de cette pathologie.
Bien que le pollen n’apporte pas de vitamine D, il aide notre organisme à la synthétiser (s’il est frais). La vitamine D présente dans le poisson et synthétisable par notre corps grâce à la lumière est aussi protectrice des problèmes de prostate. Le pollen est aussi très intéressant chez l’enfant souffrant d’anémie ; il est également conseillé chez les femmes après un accouchement et pour atténuer les désagréments de la ménopause.
Paradoxalement, consommer du pollen contribue à résoudre les problèmes d’allergies telles que le rhume des foins causé par les pollens anémophiles (transportés par le vent). En effet, au sein des pollens entomophiles une grande partie des allergènes sont détruits par les enzymes salivaires des abeilles. Une désensibilisation progressive au pollen peut être ainsi opérée en consommant du pollen.
Nécessairement, toute personne allergique et souhaitant faire une cure de pollen devra être prudente notamment si son allergie touche à un grand nombre d’allergènes, il faudra au préalable consulter un médecin.
Comment consommer le pollen
Rappelons que le pollen est un aliment, le terme de cure doit être entendu au sens d’une consommation durant un certain temps afin de relancer l’organisme pour qu’il fonctionne bien.
Il existe une très grande synergie entre le pollen et les fruits ; les effets sur la forme et l’immunité sont plus rapides et plus forts. En revanche, si les sucres, viandes rouges et graisses animales sont importants dans notre alimentation, là le pollen sera l’unique aliment compensateur et il sera d’un intérêt majeur d’en consommer. C’est pourquoi, le temps entre chaque cure dépend de la manière dont on se nourrit. Mais le pollen peut aussi être consommé en continu et cela est particulièrement souhaitable pour toute personne ayant un problème de santé ou courant un risque lié à l’âge.
La dose journalière recommandée est de 15 g. Petite astuce, c’est l’équivalent d’une grosse cuillerée à soupe bombée.
Il n’y a aucun risque à doubler ou tripler la dose, on peut même moduler la prise selon nos besoins (contrariété ou élément déclenchant) en consommant une cuillerée à soupe par repas (3 fois par jour). Il n’existe pas de surdosage au pollen frais, la seule objection reste son coût.
Pour un enfant, la consommation de pollen peut commencer dès qu’il a une alimentation très variée. Une cuillerée à café prise quotidiennement peut être suffisante, toutefois la dose recommandée est proportionnelle au volume de ce qu’il mange par rapport à un adulte. Les micronutriments du pollen viendront compenser ses carences en vitamines, minéraux, fibre ; seule la vitamine C est insuffisante dans le pollen mais une orange ou un kiwi par jour viendront parfaire la « potion magique ».
Certains préconiseront des cures d’entretien, à raison d’une à deux cuillerées à soupe par jour chaque matin durant six semaines. Généralement, les cures de pollen frais sont recommandées à l’automne et au printemps, mais une consommation à n’importe quel moment dans l’année reste très bénéfique, apportant confort intestinal et bien être général. En cure d’attaque, la posologie conseillée est de 2 à 3 cuillerées à soupe, 2 à 3 fois par jour avant les repas.
Le pollen s’invite aussi en cuisine …
Le pollen se marie très naturellement à de nombreux plats ; des salades vertes et composées, aux vinaigrettes, en passant par les veloutés frais et même les desserts glacés, le pollen s’invite en cuisine comme un excellent alicament…
L’important est de l’assimiler à des aliments froids ou de l’ajouter à la dernière minute avant de servir, s’il était chauffé il perdrait tous ses bienfaits.
Les goûts des pollens sont très différents suivant les variétés florales ; le pollen de châtaignier dont les notes sont puissantes est le plus sucré alors que le pollen de saule, bien que savoureux, est plus amer.
Enfin vous l’aurez compris, en cuisine, quand le pollen s’en mêle c’est toute une histoire, de goûts et de couleurs…, où il ne vous reste plus qu’à laisser s’exprimer votre créativité.
Alexandra VEY
Pour aller plus loin…
BALLOT-FLURIN Catherine Ballot-Flurin, l’apithérapie, Eyrolles pratique santé bien-être, 2014.
PERCIE DU SERT Patrice, Ces pollens qui nous soignent, Guy Trédaniel Edition, 2005.
ROCH Domerego, IMBERT Gaëlle, BLANCHARD Christian, Les remèdes de la ruche, Editions Alpen, 2006.
ROCH Domerego, Ces abeilles qui nous guérissent, J.C. Lattrès Editions, 2001.
Le traité rustica de l’apiculture, Editions rustica Paris, Mars 2013.
Apithérapie, Les produits de la ruche pour le bien- être et la santé, Abeilles et Fleurs, Hors-série spécial. Janvier 2012. ISSN 1293-8874